Histoire de Saint Léger Vauban

L’établissement de la paroisse de Saint Léger remonte au haut Moyen Age. Selon le Cartulaire général de l’Yonne, suite au martyre du saint en 678, par Ebroin, majordome de la dynastie mérovingienne, c’est au VIIIe siècle, au plus tard, qu’une église fut bâtie pour la population et forma une paroisse.

L’établissement de la paroisse de Saint Léger remonte au haut Moyen Age. Selon le Cartulaire général de l’Yonne, suite au martyre du saint en 678, par Ebroin, majordome de la dynastie mérovingienne, c’est au VIIIe siècle, au plus tard, qu’une église fut bâtie pour la population et forma une paroisse.

Léger ou Léodegard (en latin Leodegarius) – francisation du germanique Leudgari, de « leud » (« peuple », « gens ») et « gari » (« lance »), né vers 616 était un évêque d’Autun qui joua un rôle politique important dans les soubresauts de la monarchie mérovingienne finissante.
Il est lié aux villes de Poitiers, où se fit sa formation et où se trouvent ses reliques, et d’Autun ainsi qu’à la région de Fécamp et à celle de Doullens en Picardie où il est mort. Un concile d’évêques l’a proclamé Saint en 681 et l’Église catholique romaine célèbre sa fête le 2 octobre.

Mais c’est seulement au Xe siècle que l’on trouve une note la concernant. En effet, vers 972 ou 974 l’évêque d’Autun, Girard de Roussillon donne le village avec ses dépendances, les dîmes et le patronage de la cure, à Eldrade, l’abbé de Vézelay.

Cette concession fut par la suite confirmée par les papes Benoît VI, Benoît VII, Jean XV et Pascal II en 1103. Eldrade y fonda un prieuré dont le souvenir survit dans les différents héritages topographiques comme champs ou près du prieuré. Il devait se situer du côté de Corvignot probablement et devint dès lors l’annexe de Saint Léger. Il y eut des frères convers chargés du bétail et de la culture des meilleurs fonds de terre. Une grosse ferme de la Maison des Champs en faisait partie. Elle fut vendue en détail vers le milieu du XIXe. Le terrier de Grésigny de 1471 parle de l’ouche située devant le prieuré. En défrichant le sommet d’un mamelon voisin, on trouva, en 1854, des carreaux de marbre noir, des briques et 32 pièces de monnaie de l’époque romaine dont une de Marc Aurèle.   

Le pape Pascal II confirme en effet en novembre 1103 à l’abbé Artaud « le privilège pour son abbaye de Vézelay ». Il lui rappelle que « son monastère a été soumis à saint Pierre par ses fondateurs, le comte Gérard et sa femme Berthe ». Il fait une défense absolue à toute personne de s’emparer des biens qui en dépendent et il en fait l’énumération. On y voit, entre autres, Saint Léger en Morvan (villa sancti-Leodegarii de Morvenno) appartenant au diocèse d’Autun. Le pape rappelle l’autorité de Cluny sur celle de Vézelay et la confirme mais en même temps il donne à l’abbaye de Vézelay beaucoup d’indépendance vis-à-vis de l’évêque d’Autun dans le diocèse duquel ce monastère était établi.

Un autre monastère disposait de biens à Saint Léger, celui de Reigny (fondé en 1104 et affilié en 1127 à Clairvaux). Alors que le premier possédait les terres fertiles du nord, le second, fondé plus tard, reçut les landes et les broussailles du sud qui ont été converties en forêts de feuillus.

Les abbayes, victimes de seigneurs ambitieux se mettaient sous la protection des plus puissants, n’hésitant pas à l’acheter auprès des ducs de Bourgogne afin qu’ils défendent leurs belles propriétés, en les associant pour moitié dans tout leur territoire (exception faite de moulin, étang, prés, gagnage ou dîme de l’église par exemple). Ce fut le cas de Saint Germain de Modéon pour Eudes II et III. Les ducs finirent par s’emparer d’une partie des bois de Saint Germain comme le Bois-le-Duc, dans la châtellenie de Saint Léger, différent de ceux de Quarré, nommés la Forêt-au-Duc, acquis en 1315.

La terre et la seigneurie de Saint Léger va subir une transformation pour passer d’un paisible gouvernement des religieux et abbés de Vézelay entre les mains des ducs de Bourgogne puis des rois de France qui vont en faire une sorte de trafic.

Les seigneurs voisins de Saint Léger, jaloux de l’état florissant du prieuré, formèrent en 1318 un complot auquel participa Béatrix de Bourgogne, veuve de Hugues XIII de Lusignan, comte de la Marche et d’Angoulême. Suite à ce complot 3 lots furent créés dont celui du prieuré et du bourg de Saint Léger et de ses dépendances qui revint à Béatrix. Le 2e lot revint à Guy Besors, composé de la Provenchère, de la Bécasse, du Bon-Rupt et probablement de la forêt où se trouve actuellement l’abbaye de la Pierre qui Vire soit la forêt appelée le bois de Villarnoult (passée à la suite d’alliance avec la maison de Jaucourt à la famille de Montmorency, puis mise en vente en 1810 et offerte pour une modique somme de 60 000 francs elle ne trouva pas d’acquéreurs. Huit ans plus tard, Vernoult, marchand de bois l’acheta et peu après fit faillite alors le comte de Chastellux, César-Laurent, en fit l’acquisition pour 220 000 francs en y ajoutant 30 arpents de roches et bruyères, appartenant autrefois au hameau de Trinquelin, au prix de 6000 francs). Le 3e lot revint au seigneur de Presles (fief de Poyle-Chien et de Come, avec haute et basse justice, réunis plus tard à Grésigny.

Plus tard, Eudes IV (1295-1349), duc de Bourgogne, confus d’avoir une propriété ainsi arrachée à ses maîtres, fit le 14 avril 1343, un accord avec l’abbé et les religieux de Vézelay par manière d’échange. Il leur abandonne l’advoirie (protection, tutelle) et bourgeoisie d’hommes qu’il a dans les villes de Vézelay, d’Asnières, de Saint Père-sous-Vézelay et autres lieux des environs et s’oblige, en outre, de payer chaque année, une rente de 100 livres. De leur côté, les religieux abandonnent au duc les villes, justice, seigneurie, fief, terre, revenus et appartenances de Saint Léger. L’année suivante, le 8 juillet 1344, le pape, Clément VI confirme cet accord, à la prière de l’abbé de Vézelay. Les religieux de Reigny eurent aussi leurs tribulations pour conserver leurs maigres fiefs de Trinquelin et de Vaumarin un siècle plus tôt.

Dans le contexte de l’invasion anglaise en 1359, lorsque Edouard III décida d’établir ses quartiers en Bourgogne que la population du duché fit pour la première fois l’expérience des « chevauchées » dévastatrices des troupes anglaises qui répandaient le malheur. Il est fort probable que des évocations et traces de destruction du village par les Anglais correspondent à cet épisode de la guerre de Cent Ans. C’était 10 ans après le passage de la Peste noire qui emporta aussi le duc de Bourgogne, Eudes IV. La trêve fut signée le 10 mars 1360 entre Edouard et le nouveau duc, Philippe Ier de Rouvres, âgé de 16 ans. Si le monarque anglais quitta la Bourgogne c’était pour mieux prendre Paris. Deux mois plus tard il obtenait une paix avec les Français, signée au château de Brétigny. Il revenait au duc de Bourgogne de se débarrasser des pillards que l’on appelait « routiers » mais le retour de la Peste noire l’emporta aussi le 21 septembre 1361.

La Bourgogne se retrouva sans héritier. Philippe de Rouvres fut le tout dernier Capétien à être enterré à l’abbaye de Cîteaux. 33 ans après la lignée française, c’était à présent au tour de la lignée bourguignonne de s’éteindre. Comme à Paris la Bourgogne passait à la maison de Valois. En 1350 Jean le Bon épousa en secondes noces Jeanne de Boulogne, mère de Philippe de Rouvres. Tout comme lui, elle succomba à la 2e épidémie de peste. En tant que plus proche parent vivant de Rouvres, le roi de France revendiqua le duché qui fut donné le 6 septembre 1363 à son fils préféré, Philippe le Hardi pour le récompenser de son courage lors de la bataille de Poitiers.  Charles V, son frère aîné tout juste monté sur le trône favorisa le mariage avec Marguerite, fille de Louis de Male, compte de Flandre. Philippe, âgé de 27 ans allait époustoufler par son mariage la Flandre, mais aussi la moitié de l’Europe. Il avait vidé ses coffres pour faire de son voyage à Gand une marche triomphale. L’ancien royaume de Burgondes allait devenir un nouveau duché, une ligne de mille ans d’histoire médiévale, à la fois foulée et piétinée par les Romains, les Huns, les Germains, les Maures, les Normands et les Anglais, un sillon creusé par la peste, la guerre et les invasions où la Bourgogne revendiquerait cette fois sans conteste le rôle principal.

En 1429, le duc de Bourgogne accorda à Jean Bierry, son sergent à Saint Léger, une indemnité pour couvrir les pertes qu’il avait éprouvées à cause des gens d’armes qui avaient occupé le pays (guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons 1407-1435). Il s’agissait de destructions durant la Guerre de Cent Ans et plus particulièrement de l’épisode de Jean d’Arc. Le territoire se trouvait à la frontière entre les territoires de la domination anglo-bourguignonne et ceux du duché de Bourgogne, d’où on attribue le pillage du village, dans certaines sources, aux Anglais. C’est à ce moment-là que l’ancienne église aurait été détruite. L’actuelle ayant été construite après la Guerre de Cent Ans, dans le 2e moitié du XVe siècle.

En 1486, le roi Charles VIII fit renouveler le terrier (registre foncier) de Saint Léger. On voit par ce texte, par exemple, que la mesure particulière de cette seigneurie était la plus grande de l’Avallonnais et qu’elle contenait 11 setiers (1 setier = 12 boisseaux = 152 litres), que les sujets ou hommes francs du roi devaient annuellement, à la Saint Remi, 15 sous de bourgeoisie à son châtelain d’Avallon et qu’ils étaient retrayants de cette ville (ayant le droit voire l’obligation de s’y réfugier en cas d’alerte, d’éminent péril, avec leurs vivres et leurs biens).

Les rois de France vont vendre, par l’entreprise de leurs commissaires, la terre de Saint Léger à de riches seigneurs, sous le titre d’engagistes (donc sous réserve de la reprendre moyennant la somme avancée). Ainsi les possesseurs ne se regardant que les usufruitiers, ne s’y attachent pas.

François de Briquemaut la prit ainsi le 18 juin 1515. On a une intéressante information concernant le refus des habitants de payer une redevance. En effet en 1542, ils refusent de fournir les 20 poules qu’ils payaient au roi, attendu qu’ils étaient en instance à la cour des comptes pour ces coutumes. Pierre Pinart, châtelain d’Avallon, fut contraint de les poursuivre en paiement (Archives de Dijon).

Le village aurait été incendié durant le Première guerre de Religion par les protestants, selon certaines sources et par conséquent il en fut presque vidé de sa population. Alors qu’en 1543 il était composé de 300 feux, 33 ans plus tard leur nombre passa à 60 (archives de Dijon). Il est question de masures ou maisons en ruine ou inhabitées.

En 1566, le revenu de la terre et seigneurie de Saint Léger, amodiées (louées moyennant une redevance) aux enchères, ne monta qu’à 35 livres tournois et celui des droits de justice de Bois-le-Duc, de glands et paissons (de paître, dans la forêt), épaves et confiscations à 200 livres tournois.

Un des descendants de François de Briquemault dont les affaires tournaient mal réclama en 1595 le remboursement de la somme avancée par son ancêtre. Elle lui fit refusée par sentence (du châtelain) avec la possibilité de faire appel au roi. Ce qu’il fit et le 3 février 1596 la terre et la seigneurie fut aliénée au profit de Charles Choiseul, seigneur de Praslin, moyennant 5850 écus (1 écu = 3 livres = 3 francs de 1860).

Dans l’acte de délivrance on comprend un canton de 85 arpents dans le Lac-au-Duc, entre les usages de Saint Léger et le bois de Villarnoult et un autre de onze vingt arpents à prendre dans la forêt appelée Breuil, pour 2200 écus. Ces cantons étaient dans la châtellenie de Saint Léger. La forêt était évaluée à 4000 arpents (1 arpents = 51 ares).

Cette terre passa entre les mains de Pierre Forgot, seigneur de Fresne, conseiller du roi et secrétaire de ses commandements. Il avait acheté des commissaires royaux le fonds et très-fonds et superficie de 1017 arpents de bois taillis, au Grand-Bois-du-Duc, dans la châtellenie de Saint Léger, moyennant 8999 écus 56 sous. Dans les clauses du contrat on réserve l’usage de bois taillis pour le chauffage du four banal. Jacob de Gérard, conseiller, notaire, et secrétaire du roi, maison et couronne de France, en demanda comme héritier de son oncle, Pierre Forgot, en 1559, le remboursement qui eut lieu par ordonnance de Henri IV, en 1610.

La seigneurie de Saint Léger passe de main en main toujours contre un paiement au roi. Ainsi en 1622 elle fut acquise par Guillaume Le Bourgeois, gouverneur de Semur-en-Auxois, aliénation faite pour 9000 écus. Sa veuve, Elisabeth de Charron « engagiste de Sa Majesté » procéda à l’affranchissement de la famille Bierry, demeurant à Saint Léger, contre le paiement annuel de « 5 livres en argent, une poule et un boisseau d’avoine, mesure de Rouvray (13 litres ou 25-26 livres), le lendemain de Noël ». Pierre Le Bougeois, son fils, continua la jouissance de ce fief. Grenadier du grenier à sel de Semur-en-Auxois, il dut verser aux commissaires royaux une somme avec faculté perpétuelle de rachat. En 1701 Guy Sallier de Brouillard, doyen du grand conseil, l’acquit pour 12500 livres et en reprit de fief l’année suivante. En 1706 la seigneurie passa à Elie de Sercey, comte du Jeu, seigneur de la Gorge et de Rouilly. La moitié était portée au contrat comme engagiste du roi. En 1753 elle fut acquise par Jacques de Sercey et son épouse, Magdeleine Ducret, pour 36000 livres.

Pour avoir une idée de la situation des habitants de la seigneurie il est intéressant de citer le démembrement établi en 1738 par Jacques Surcey, héritier de son oncle et de Jacqueline Descorailles et qui ne concerne que sa moitié, l’autre revenant du domaine du roi. Cette pièce permet de connaître les impôts de l’époque.

  1. Le seigneur institue tous les officiers de la justice, on y compte deux arrière-fiefs : Soilly et Bauvilliers.
  2. La dîme est de 15 gerbes (de blé ou seigle, il s’agit de fait de la 15e gerbe récoltée par les paysans) l’une, l’autre est abandonnée au curé de Saint Léger, pour sa portion congrue.
  3. Chaque habitant tenant feu doit une poule de coutume le lendemain de Saint Martin d’hiver.
  4. 6 blancs (pains) pour le droit de cuire du pain chez soi.
  5. 20 deniers d’accensement (concession) des bois communaux.
  6. Une autre rente payable en mars.
  7. Un cens, appelé avoine de coutume, attaché à plusieurs héritages annoncés au terrier (registre contenant la description de toutes les terres relevant d’une seigneurie, avec les cens, rentes et tous les droits seigneuriaux correspondants, reconnus par les tenanciers et les censitaires).
  8. Les sujets de la seigneurie qui sont hors du domaine du roi doivent annuellement chacun 5 sous et une poule ou, à sa place, une mesure d’avoine.

Les habitants de Corvignot, attachés à la seigneurie, doivent chacun un chapon et une coupe d’avoine pour faire pâturer dans les bois ; les laboureurs, le lendemain de la Pentecôte, chacun une corvée de labour, estimée à 15 sous, et, en outre, une gerbe de messerie (messier = garde champêtre) ; le droit de lods et vente (droit dû au seigneur par celui qui acquiert un bien dans sa censive) appartient au seigneur à raison de 6 blancs par livre.

Quant aux curés de la paroisse ils se manifestent vers la fin du XVIIe siècle et au XVIIIe. Ainsi, en 1697, Claude Pillin, signale l’accord signé entre lui et les habitants pour dire la messe et les vêpres dans l’église de Bauvilliers tous les dimanches et fêtes à l’exception de la Fête-Dieu, la Toussaint, de Noël, de Saint Léger et celles de la Sainte Vierge.  L’accord était valable pour ses successeurs et prévoyait pour ce service les dîmes et une rente de 25 livres payable le 25 mars. Jean Rousselot, curé de Saint Léger pendant 47 ans, laissa par son testament de 1771, une somme de 1000 écus pour reconstruire le presbytère et faire apprendre un métier aux enfants pauvres.